Je travaille des formes organiques pour semer la confusion, pour susciter des interprétations polysémiques, pour répandre l’ambiguïté, cultiver le paradoxe.

Il n'y a rien qui m'irrite tant que vouloir assener et essuyer des évidences, des vérités. Il s'agit juste d'hurler la mienne, et qui n'est mienne qu'à l'instant où je l'évoque et non jusqu'à la fin de mes jours.

 

J'opère, j'abuse, j'honore les formes corporelles et organiques,

je les mets en dialogue, en circulation,

je les mêle, entremêle,

elles se confondent, se redéfinissent,

ou bien sont prises pour ce qu'elles pourraient ou devraient être !

Elles se confondent et peuvent être confondues, mises à jour,

ou bien dissimulées,

prises pour ce qu'elles ne sont pas,

surprises d'être ce qu'elles sont ou semblent être...

Je (me) prescrit un repérage organique de tournures contraintes et invisibilisées ou bien dégagées et reconnues afin d'engendrer des revirements...

 

 

 


De la même façon je confronte et fait dialoguer les matériaux et les médiums ;

dans la même œuvre peut s'entrelacer papier, textile, bois...de même que l'aquarelle, la broderie, les graphites...

 

Si je m'exprime en petits et moyens formats c'est que je me sens davantage prédisposée à l'exploration à échelle de nos anatomies, chaque parcelle méritant d'être parcourue au microscope, plan par plan, volume par volume ; chaque détail approfondi et pouvant projeter et évoquer des perspectives plus larges et plurielles.

Chaque fragment de nos corps, chaque geste nous constituant et révélant nos complexités méritent un examen en profondeur.

 

 

Et si le textile est un de mes médiums préférés, c'est qu'il permet d'appréhender le volume de façon complexe. Il conduit à la fois vers les pleins et les creux ; il peut se modeler, se répandre ou se contraindre, contourner, inclure, plier...

 

Le textile, enfin, est un matériau aux possibilités infinies pour une autre approche de la sculpture.

J'ai pu constater qu'au premier abord parfois mon travail pouvait rebuter, provoquer un inconfort qui se calme un peu en découvrant la délicatesse de ses contours colorés ;

 

ou bien séduire en premier lieu par la subtilité des traits et les couleurs chaleureuses et, brusquement, ébranler par la vision d'un organe soudain reconnu ou la perception d'une tension que l'on souhaiterait s'épargner.

 

 

 C'est tout le mal que je souhaite à mes travaux :

qu'ils puissent exister comme un être aux traits délicats et aux postures douces

s'autorisant à exprimer soudain sa colère et sa pugnacité, sa détermination ou son malaise insoupçonné.e.s.

 

 

 

 

 

Chantal Tichit – avril 2021